Agressivité à la pouponnière dans les jeux libres: Grégoire partie 1

Par Linda Gagnon, psychologue

En décembre, au moment de mon observation dans la pouponnière double, il n’y a que 5 enfants présent. Habituellement, tous les enfants sont présents.  Le groupe est composé de 4 enfants entre 10 et 12 mois; 4 enfants entre 15 et 16 mois et 3 enfants entre 18 et 21 mois.  Dans ce milieu de garde, les enfants de la pouponnière vont à l’extérieur seulement en PM.  Grégoire est âgé de 19 mois. 

J’aborde dans le présent texte, une problématique survenue lors des repas.  Si vous êtes intéressé(e)s par d’autres défis à la pouponnière, je  vous invite à lire le prochain texte : «  Agressivité à la pouponnière aux repas et lors du changement de couche: Grégoire partie 2 » .  Voici des pistes explorées qui ont permis à Grégoire d’accroître son autocontrôle.

Arracher les jouets

A- Observations

Maélie joue avec un jouet X.  Grégoire s’approche et essaie de lui prendre.  Elle lui dit « non », il la frappe au visage.  L’éducatrice intervient en lui disant « Non, on ne frappe pas les amis, doux avec les amis. »  Elle console Maélie, Grégoire s’éloigne.  Elle va le rejoindre et essaie de discuter avec lui, il est peu attentif.

Son éducatrice note que très souvent lorsqu’il est fâché, Grégoire crache soit au sol ou au visage.  Elle lui demande d’arrêter « Ne crache pas ».

B- Pistes proposées

1-Stratégies de prévention : travailler en alternance des groupes.  Le milieu de garde bénéficie d’une salle multi qui est sous-utilisé. Il a été recommandé de séparer les deux groupes de façon hebdomadaire.  Il n’y avait pas de table à langer dans la salle multi.  La direction a travaillé à ce problème.  Introduire des petits véhiculent sur lesquels s’assoir et  rouler dans le local lorsqu’il n’y a que 5 enfants.

2-Stratégies de prévention : identifier des jeux qui favorisent l’engagement de Grégoire. Il a été recommandé d’ajouter de jeux qui ne sont pas à proprement dit des « jouets ».

-Crayon à enfiler les bouchons;

-pots d’onguent vides et neufs (acheter à la pharmacie) avec couvercles que l’on dévisse et on peut insérer petits objets sécuritaires;

-Faire des tours avec des jetons de style casino;

-Boîtes avec fentes et insérer des cartes ou jetons;

-Bac sensoriel : emplir et vider avec petites cuillères, la présence de l’aide-éducatrice

Le nerf de la guerre est de trouver des activités ou matériel qui va intéresser Grégoire afin de limiter le « butinage » qui l’amène à vouloir obtenir le jouet de l’autre.

3-Stratégie d’enseignement : enseigner le signe « J’ai besoin d’aide »

L’éducatrice a identifié comme signe ouvrir et fermer la main.  Lorsqu’elle voyait Grégoire tenter d’arracher un jouet, elle évitait systématiquement de lui dire « Non »  et  disait plutôt :

« Grégoire, tu as un problème avec Maélie, tu as besoin d’aide, tu veux le jouet X»  L’éducatrice lui faisait le signe « j’ai besoin d’aide ». L’éducatrice a eu pour mission d’enseigner ce signe à tous les enfants du groupe.

Lui dire « non » au moment où il était frustré était un puissant accélérateur de colère.

Le nerf de la guerre était de lui enseigner à demander de l’aide en s’éloignant pour venir la chercher ou en attendant assez calmement que l’aide arrive.  Il était trop difficile pour lui de s’exprimer seul, il avait besoin absolument du soutien de l’adulte.

4- Stratégie d’enseignement : pratiquer « J’ai besoin d’aide » dans un contexte de jeu

Lors des jeux libres faire pratiquer « (nom de l’éducatrice), j’ai besoin d’aide » à l’aide d’une marionnette qui vient déranger les camarades et essayer de prendre leur jouet.  L’éducatrice pouvait dire : « Oh non, Souricette veut prendre ton jouet, tu as un problème, qu’est-ce que tu dois faire ». Si l’enfant refusait, on allait mettre le picto de Souricette à la séquence. L’éducatrice remettait des jetons à déposer dans une tirelire par la suite.

5-Stratégie pour enseigner la résolution de conflits

Accueillir son émotion et le consoler. 

Essayer de comprendre son problème et le reformuler même si nous sommes en désaccord avec sa perception du problème.

Avec qui as-tu un problème ?

-Avec quel jouet as-tu un problème? « Tu veux avoir le bonhomme, et Maria joue avec »  « tu veux avoir la poussette et le bonhomme.  Tu veux avoir les deux. »  « Juliette veut avoir aussi le camion »  Il faut trouver une solution.

6-Stratégie pour l’aider à patienter : des pictogrammes

Il a été proposé de créer une séquence de 3 pictos.  Un picto « amovible » pour  la photo de l’enfant qui a le jouet,  suivi d’un picto illustrant un bonhomme qui veut obtenir quelque chose d’un autre enfant et un troisième picto « amovible » pour ajouter sa photo ou celle d’un des enfants du groupe. 

Si l’enfant refuse de prêter son jouet à Grégoire, il a été proposé de lui mentionner comme d’habitude que lorsqu’X ou Y aura terminé, il ou elle va lui donner.  Puis, de diriger Grégoire vers la séquence de pictos et de l’aider à choisir les pictos.

Puis le soutenir pour le réengager dans une autre activité.  Lorsque l’enfant a terminé, remettre systématiquement à Grégoire le jouet même si on croit qu’il n’y manifestera plus d’’intérêts.  L’important est qu’il considère l’adulte fiable.

C- Évolution de la situation

Diminution des agressions

L’éducatrice a amorcé le plan d’intervention la journée même de ma venue, dont les demandes d’aide.  Les parents également.  Lorsqu’elle lui demande s’il a besoin d’aide, il imite le geste.  Les autres enfants aussi.  Grégoire attend son arrivée.  Diminution de 80 % des agressions.

L’identification des jouets qui l’intéresse demeure un défi important.  Il aime beaucoup se promener dans le local en s’assoyant sur les voitures.  La salle multi lui permet de s’engager dans plusieurs jeux moteurs ce qui est très important car il ne va pas jouer à l’extérieur en matinée à cause de la saison froide.