En avril dernier, Ève-Lyne Couturier et Philippe Hurteau publiaient un rapport de recherche intitulé « Les services de garde au Québec : champ libre au privé », une étude de l’IRIS.

Oeuvrant depuis plus de 35 ans dans le réseau public des services de garde à l’enfance, d’abord comme éducatrice, puis gestionnaire, formatrice, chargée de cours et aussi comme membre d’un conseil d’administration d’un CPE de grande qualité, j’ai pu constater depuis près de 10 ans, un désengagement de l’état. Nous assistons maintenant à des compressions budgétaires et des choix fiscaux (crédits d’impôt) qui mettent réellement en péril le réseau national subventionné. L’étude de l’IRIS démontre en autres « en quoi l’action gouvernementale des dernières années pousse à la privatisation de ce service public » et qu’il existe bien un « écart de qualité en les services de garde publics et privés ».[1]

Les compressions budgétaires imposées au CPE, le grand nombre de places allouées aux garderies privées non subventionnées, la modulation et la bonification du crédit d’impôt pour frais de garde sont tous des éléments qui contribuent à l’affaiblissement du réseau. Ils ont non seulement un impact sur la qualité des services offerts par les CPE mais aussi sur le choix des parents.

Plusieurs parents se trouvent largement avantagés par les mesures fiscales qui les poussent vers le privé. Les auteurs de l’étude constatent que « avec les modifications au crédit d’impôt provincial, la part des familles ayant un avantage économique à choisir les garderies non subventionnées s’est élargie ».

L’AQCPE, les regroupements régionaux, les CPE ont dénoncé les compressions budgétaires dans les médias et en manifestant. Les sommes transitoires négociées ne représentent à mon avis qu’un parapluie face à une tempête. Les orientations ministérielles semblent viser le démantèlement de ce réseau envié par les autres provinces. Certains diront que le réseau public coute cher aux contribuables. L’étude de l’IRIS démontre que ce calcul est faussé en prenant en compte le taux d’activité des mères au travail, les dépenses fiscales du gouvernement reliées aux crédits d’impôt, l’efficacité des investissements en prévention (1$ pour 7$ démontré par le prix Nobel en sciences économiques). En effet, il est reconnu que la qualité des services éducatifs contribue au développement des enfants et particulièrement ceux issus de milieux vulnérables et ainsi réduit les inégalités sociales. En contrepartie, « la fréquentation d’un service préscolaire de faible qualité peut nuire au développement social, affectif et cognitif de l’enfant. »[2]

Lorsqu’on examine les données soulevées dans l’étude, on constate qu’on retrouve davantage de qualité dans le réseau public que dans le réseau privé. Voici quelques faits présentés sous forme de tableau.

CPE et RSG Garderies privées
Moins de 0,5 plainte par 100 places[3] 1,57 plainte par 100 places pour les subventionnées et 1,82 pour les non subventionnées3
Niveau de qualité auprès des poupons en 2014[4]

·      67,3 % des CPE sont jugés bons ou excellents

·      3,4 % des CPE ont la cote « insatisfaisant »

Niveau de qualité auprès des poupons en 20144

·      7,2% des garderies privées non subventionnées (GPNS) obtiennent des résultats jugés bons ou excellents.

·      41,2 % des GPNS ont la cote « insatisfaisant »

Niveau de qualité auprès des 18 mois-5 ans en 20144

·      45 % des CPE obtiennent la cote de qualité bonne ou excellente

·      4,0 % des CPE sont jugés de qualité insatisfaisante

Niveau de qualité auprès des 18 mois-5 ans en 20144

·      10 % des GPNS ont une évaluation bonne ou excellente

·      36,3 % des GPNS obtiennent des évaluations négatives

 

Les auteurs de l’étude soulignent aussi le fait que les CPE ont vu leur niveau de qualité progresser de 2003 à 2014 : de 60,7 à 67,3 % au niveau des résultats jugés bons ou excellents auprès des poupons et de 41,8 à 45 % avec les enfants âgés de 18 mois à 5 ans. La recherche de qualité dans le réseau public demeure une préoccupation constante et ce malgré les pressions économiques et politiques.

J’invite les gestionnaires à lire l’étude, à en faire un résumé aux parents engagés dans le CA, à partager la fierté d’un réseau de qualité autant avec l’équipe de travail qu’avec les parents utilisateurs. Plusieurs CPE font d’ailleurs la promotion de la qualité de leurs services, dénoncent les impacts des compressions budgétaires sur les services aux enfants. Ces démarches sont fort pertinentes puisque de nombreux parents ne sont pas au fait des données de recherches et des douloureuses décisions que les CA doivent prendre pour faire survivre le milieu de vie de leurs enfants et ce, au prix de cette même qualité qui nous distingue.

Je vous soumets quelques idées dans cet exercice de sensibilisation auprès des parents.

  1. Saviez-vous que les garderies privées non subventionnées ont un taux de plaintes 4,5 fois plus élevé que celui des CPE?[5]
  2. Saviez-vous que 67,3 % des CPE ont été jugés bons ou excellents au niveau de la qualité des soins auprès des poupons en 2014 alors que seulement 7,2 % des garderies privées non subventionnées obtiennent ces résultats?5
  3. Saviez-vous que seulement 10 % des garderies privées non subventionnées ont été jugées comme bonnes ou excellentes en ce qui a trait à la qualité des services offerts aux enfants de 18 mois – 5 ans alors que 45 % des CPE obtenaient cette cote en 2014? 5
  4. « Sur les 2 261 plaintes déposées en 1 année, seulement 26,3 % concernant les garderies du réseau public contre 73,7 % pour les différentes garderies privées. » 5
  5. De 2006 à 2007 à 2015-2016, on a observé une hausse de 35 % du niveau de subventions pour les garderies privées subventionnées, 50 % pour les milieux familiaux subventionnées et seulement 6 % pour les CPE.5

Sylvie Bourcier Intervenante en petite enfance

[1] Couturier, E.L., Hurteau, P. Les services de garde au Québec : Champ libre au privé. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Avril 2016.

[2] Gouvernement du Québec Discours sur le budget – Budget 2008-2009, p. 22, www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2008-2009/fr/documents/pdf/DiscoursBudget.pdf, cité dans Couturier, E.L., Hurteau, P. Les services de garde au Québec : Champ libre au privé. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Avril 2016.

[3] Étude des crédits 2015-2016 : Renseignements particuliers volet famille, service de garde et intimidation. Gouvernement du Québec. 2015. Calculs des auteures cité dans Couturier, E.L., Hurteau, P. Les services de garde au Québec : Champ libre au privé. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Avril 2016.

[4] La qualité éducative dans les installations de centre de la petite enfance. Gouvernement du Québec, Institut de la statistique, 2015 ; et La qualité éducative dans les garderies non subventionnées, Institut de la statistique, 2015 cité dans Couturier, E.L., Hurteau, P. Les services de garde au Québec : Champ libre au privé. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Avril 2016.

[5] Rapport de recherche IRIS. Eve-Lyne Couturier et Philippe Hurteau, chercheurs. Les services de garde au Québec. Champ libre au privé. Avril 2016, p. 3.