Chloé 4 ans fréquente mon milieu de garde depuis plus de quatre mois. Elle me suit constamment, s’assoit sur moi dès que je m’arrête, me prend la main. Elle me répète qu’elle m’aime, qu’elle me trouve belle. Cet amour envahissant m’épuise et m’inquiète. En effet, elle ne prend pas contact avec les autres enfants. Elle tolère leur présence mais ne joue pas avec eux. Que puis-je faire ? Elle a pourtant des parents très affectueux et présents.

Trois objectifs d’intervention s’imposent : développer un sentiment de sécurité, faire une mise à distance progressive et enfin stimuler la création de liens avec les pairs.

1. Développer un sentiment de sécurité

  • Assurez-vous que les parents se sentent en confiance avec les services de garde offerts à leur enfant. Ont-ils des inquiétudes ? Les parents peuvent aussi exprimer à leur enfant la confiance qu’ils ont face à l’éducatrice « Je sais que tu vas bien t’amuser avec Julie et qu’elle saura bien prendre soin de toi ».
  • Sécurisez l’enfant lors des transitions, des déplacements et des remplacements de personnel à la garderie.
  • Parlez du sentiment d’amour qui existe au-delà du contact physique étroit. L’amour continue malgré les distances. On peut demander à l’enfant de nous dire quelles sont les personnes qu’il aime. On inscrit le nom sur un petit cœur découpé. Tous les petits cœurs sont par la suite collés sur un grand cœur qui représente le cœur de l’enfant. On lui fait remarquer qu’elle continue d’aimer maman, papa, frérot même s’ils ne sont pas à côté d’elle. On lui fait aussi remarquer qu’il y a beaucoup de places dans un cœur pour aimer beaucoup de gens. Ainsi, l’éducatrice aime les membres de sa famille, ses amies et tous les enfants de son groupe. Elle pense à eux même la fin de semaine à l’extérieur du CPE. L’amour est « élastique » et les sentiments continuent d’exister même à distance.

2. Mise à distance progressive

  • Évitez de repousser l’enfant. Vous pouvez l’inviter à s’asseoir à côté de vous plutôt que sur vous ou encore l’inviter à jouer avec vous auprès des autres enfants. Une mise à distance brusque provoquera de l’insécurité et l’enfant manifestera son besoin de rapprochement encore plus intensément.
  • Invitez l’enfant à accomplir une petite tâche, un jeu, soutenez-le puis retirez vous quelques minutes. Par exemple : « fais une tour de 3 blocs avec moi » puis « fais une autre tour de 5 blocs et je reviens te voir ». Augmentez progressivement le délai du retour à l’enfant.
  • Soutenez l’enfant en maintenant le lien à distance par un sourire, un baiser soufflé, un clin d’œil ou autre marque d’affection. Faites remarquer à l’enfant votre façon d’entretenir la relation.
  • N’oubliez pas il faut s’attacher pour devenir capable de se détacher. La complicité que vous établissez avec l’enfant deviendra une source de sécurité intérieure et lui donnera l’élan pour aller vers les autres.

3. Intégration au groupe d’enfants

  • Jouez en parallèle avec l’enfant en soulignant votre intérêt pour son choix de jeu. Imitez l’enfant dans sa façon de jouer. Vous lui indiquez ainsi que vous trouvez intéressant ce qu’il fait. Valorisez-le.
  • Lorsqu’un autre enfant se joint à vous, nommez de nouveau votre intérêt pour l’enfant et son jeu. Vous projetez ainsi au pair une image positive de l’enfant isolé. Faites remarquer à l’enfant isolé l’intérêt de l’autre enfant pour son jeu.
  • Agissez en tant qu’agent de liaison « Regarde Chloé, Julien aussi veut dessiner comme toi. Vous êtes capable d’échanger vos crayons de couleur ». Lorsque vous observez qu’un lien s’établit entre les deux enfants, retirez vous. Revenez au bout de quelques minutes de jeu et soulignez votre joie de constater qu’ils jouent bien ensemble.
  • Soutenez l’enfant dans la prise de contact avec les petits groupes de pairs. « Chloé, tu veux jouer avec Julien et Alice. Viens on va leur demander ensemble. »

Les enfants ont besoin de soutien et d’encouragement pour développer leur autonomie affective et parvenir à s’intégrer à un groupe d’enfants.

Chaque enfant se construit à son propre rythme et le temps nécessaire à l’apprivoisement d’un nouveau contexte social varie de l’un à l’autre. Faites comme le petit prince qui sut prendre le temps pour apprivoiser le renard et ainsi ensoleiller sa vie.