Mon enfant et les écrans

Nous voilà à l’orée d’une nouvelle rentrée avec l’énergie emmagasiné de l’été, l’anticipation des nouveautés, des horaires chargés et la désagréable impression parfois d’être pris dans un tourbillon… Ouf! Pas simple de conjuguer travail, parentalité, loisirs, éducation et routines dans un quotidien où chaque individu a ses besoins ! Nous évoluons dans un environnement rempli de stimulations de toute sortes dont les écrans. Ces derniers font maintenant partie de notre quotidien d’adulte et d’enfant. En tant que parent, comment composer avec cette nouvelle réalité?

Avez-vous fait le compte du nombre d’appareils numériques présents chez vous ? (Cellulaire, ordinateur, télévision, console de jeux, tablette, liseuse…) On compte en moyenne 7,3 écrans par foyer en Amérique du Nord. Ils exercent sur nous et les enfants, un magnétisme certain ! De quoi se questionner sur l’impact réel de ces écrans sur nos tout-petits. (Québec Science, 1er avril 2019)

Le temps d’écran moyen des enfants canadiens âgées de trois à cinq ans est de 2 heures /jour (Michelle Ponti, pédiatre au Child and Parent Resource Institute de London, Ontario). Selon la Société Canadienne de Pédiatrie un enfant de moins de 2 ans ne devrait pas passer de temps devant les écrans et on devrait limiter le temps d’écran à moins d’une heure par jour pour l’enfant de 2 à 5 ans. L’étude nous démontre donc que nos petits amours passent plus du double de temps d’écran que ce qui est recommandé quotidiennement.

On ne souhaite pas et parfois on refuse qu’ils soient devant les écrans. Toutefois cette technologie étant omniprésente dans notre quotidien d’adulte, elle laisse des empreintes chez nos petits. Par mimétisme, l’enfant reproduit le modèle, ce qu’il voit, ce qu’il entend même lorsqu’on ne s’adresse pas à lui. Il suffit que ça fasse partie de son environnement quotidien (télévision ouverte, communication téléphonique ou par texto entre adultes, télétravail…). L’enfant fait comme son parent, c’est la voie pour s’intégrer dans le monde, cela devient ses schèmes, ses balises.

L’enfant a besoin d’interactions directes, il a besoin du regard de ses parents, besoin de manipuler des objets, de faire toutes sortes d’activités telles que faire des casse-têtes, créer avec la pâte à modeler, bouger dans l’espace, lancer un ballon, regarder des livres. L’enfant a besoin d’être actif pour bien se développer.

Il existe de bonnes émissions de télévision, des vidéos amusants, des livres numériques éducatifs adaptés à l’âge des tout-petits. Mais les études démontrent que ce n’est pas facile pour l’enfant de moins de 3 ans d’appliquer ce qu’il voit en deux dimensions sur les écrans aux vraies expériences de la vie : taille différente, effets visuels et sonores hors de l’ordinaire, le fait que les personnages télévisés ne répondent pas aux téléspectateurs alimente la non-concordance entre le monde de l’écran et le monde réel. On sait aussi que lorsque la télévision reste allumée en arrière-plan, elle nuit aux apprentissages puisque l’enfant jette souvent des regards rapides à l’écran et se concentre moins sur son jeu. Il interagit moins avec ses parents qui répondent plus lentement à ses demandes d’attention et lui parlent moins souvent en utilisant des phrases plus simples et plus courtes. (Mary L. Courage, Georgene L. Troseth. L’apprentissage à partir de médias électroniques chez les jeunes enfants. Novembre 2016)

Marie-Noëlle Clément (psychiatre Hôpital de Jour pour Enfants André Boulloche, Paris) parle de « technoférence parentale », l’ensemble des interruptions dans l’interaction parents-enfants dues à l’utilisation par les parents de leurs écrans sur des temps où ils s’occupent de leurs enfants. Par exemple au parc, on observe moins d’interactions verbales et de soutien, moins de contact visuel de la part du parent qui utilise son écran, plus d’impatience et moins de réceptivité ce qui crée davantage d’anxiété chez les petits. L’utilisation du mobile par les parents en présence des enfants est associée à une augmentation des problèmes de comportements externalisés des enfants (crises, pleurnicherie, hyperactivité) et des comportements à risque, souvent destinés à attirer l’attention.

Une grande utilisation des écrans se fait souvent au détriment des activités physiques et des jeux libres. Elle peut nuire au développement des habiletés motrices, des habiletés sociales et aux capacités cognitives (mémoire à court terme, langage, lecture et mathématiques). L’enfant peut éprouver plus de difficultés à contrôler ses émotions et ses comportements, avoir des difficultés d’attention, présenter des problèmes de sommeil et de santé (surpoids, fatigue, myopie…) (Naître et grandir, juin 2019)

Oui, mais lorsque vient le temps où on doit faire patienter son enfant au restaurant, pendant la préparation des repas ou pour le calmer lorsqu’il est surexcité, peut-on avoir recours aux écrans ? En fait exposer l’enfant aux effets spéciaux, au son parfois fort et au rythme rapide des images risque de surstimuler l’enfant au lieu de le calmer. Occasionnellement cela pourra soutenir l’attente, mais trop utiliser ce moyen n’apprend pas à l’enfant à se contrôler, à réguler son humeur et développer des stratégies pour retrouver le calme (Naître et Grandir, juin 2019). De plus, le système de récompense étant très stimulé par une sécrétion de dopamine dans le cerveau peut même encourager le comportement difficile.

Selon le psychiatre Serge Tisseron (« 3-6-9-12 : Apprivoiser les écrans et grandir », Éditions Erès) qui ne recommande aucun écran avant 3 ans, il importe de cesser de parler des écrans en termes uniquement quantitatifs pour les aborder enfin sous l’angle qualitatif : « Avec les écrans, le plus important est moins le temps qu’on y passe que l’usage qu’on en fait, de la façon dont sont choisis les programmes et dont les enfants, en particulier, sont accompagnés dans leur visionnage ».

Enfin, les écrans étant là pour de bon, mieux vaut prévenir que guérir, voici quelques conseils pour limiter le temps d’écran et maximiser les moments « branchés ». Bonne rentrée à tous!

  • Donnez l’exemple par votre propre utilisation de tous les écrans;
  • Éteignez les écrans aux repas, lorsque vous faites la lecture à votre enfant ou que vous pratiquez d’autres activités en famille;
  • Éteignez les écrans lorsque personne ne les utilise;
  • Créez des zones sans écrans (exemples : cuisine, chambre);
  • Privilégiez des activités comme la lecture de livres papier, les jeux extérieurs, les constructions, les jeux libres, les jeux de société;
  • Évitez d’utiliser les écrans au moins 1 heure avant le coucher et assurez-vous qu’aucun écran ne se trouve dans la chambre de votre enfant;
  • Soyez présent et engagé lorsque vos enfants sont devant un écran et, dans la mesure du possible, regardez-le avec l’enfant;
  • Accordez la priorité à des programmes interactifs adaptés à l’âge;
  • Ne pas craindre que les enfants s’ennuient, c’est la porte de la créativité !

(Société canadienne de pédiatrie et Joël Monzée docteur en neurosciences)

Dany Massé, formatrice et intervenante en petite enfance, septembre 2020