La communication pour soutenir des interactions de qualité avec les parents

En cette période de promotion de la qualité des services de garde éducatifs, on ne peut pas passer sous silence l’importance de l’interaction entre le personnel éducateur ou les RSG et les parents, une des quatre dimensions de la qualité éducative. [1]   On n’est pas sans savoir que cette interaction « est facilitée par la variété des moyens de communication mis en place pour répondre aux besoins des parents. » [2]   En effet, nombreuses sont les raisons et les occasions où l’éducatrice doit communiquer avec les parents, et ce, par différents moyens ou en utilisant des stratégies multiples.  Or, ces échanges peuvent se traduire par des rencontres en groupe en début d’année afin d’expliquer le fonctionnement du groupe, par des discussions quotidiennes lors de l’accueil et du départ pour recueillir et transmettre des informations sur l’humeur, la santé de l’enfant ou le déroulement de la journée, par un appel téléphonique pour informer le parent lorsque l’enfant éprouve des symptômes de maladie, par la rédaction et le compte-rendu du dossier éducatif de l’enfant, etc.  Le rôle du personnel des SGEE en matière d’interactions avec les parents va donc au-delà du simple fait de recueillir et de transmettre des informations.  Établir un lien de confiance, favoriser une collaboration et développer un partenariat dans le but d’assurer le bien-être de l’enfant est ce qui guide les interactions avec les familles.  D’ailleurs, un des principes de base du programme éducatif Accueillir la petite enfance est Le partenariat entre le SGEE et les parents est essentiel au développement harmonieux de l’enfant.  Effectivement, « l’accompagnement du jeune enfant dans son développement global est un projet commun, partagé par les parents, le personnel éducateur […] qui travaille au SGEE » [3].  La contribution du parent et de l’éducatrice est donc nécessaire pour enrichir les échanges, bonifier les connaissances et développer une vision commune du développement de l’enfant afin de mettre en place des interventions adaptées à ses besoins.  Le partenariat établi pour accompagner l’enfant au quotidien peut être imaginé comme la réalisation d’un casse-tête où chacun doit mettre à profit ses stratégies pour encastrer chacun des morceaux et réussir son assemblage (projet commun).

En ce sens, le programme éducatif Accueillir la petite enfance (2019) suggère des pistes d’action (issues de l’approche centrée sur la famille) pour mettre en place ce partenariat.  L’une d’entre elles est de favoriser la communication bidirectionnelle [4].  Qu’est-ce que la communication bidirectionnelle ?  Qu’a-t-elle de différent ou de semblable avec la communication mise en œuvre couramment ?

En fait, « la communication bidirectionnelle se caractérise par certains aspects : la réciprocité des échanges, la diversité des stratégies de communication (attitudes et perceptions, contexte et techniques de la communication) et la nature des sujets abordés. » [5]

Illustrons ce type de communication par l’image d’un pont en construction : « un pont de communication » à plusieurs voies allant dans les deux directions.  Or, de chaque côté du pont, on y retrouve les deux partenaires dans la communication : la famille et le service de garde.  Les voies sur le pont servent de corridors représentant la variété de stratégies de communication choisies avec chacune des familles et comme ces voies vont dans les deux directions, elles permettent la réciprocité des échanges, c’est-à-dire l’implication de manière égale des deux parties.  En effet, « ces stratégies sont bidirectionnelles si elles permettent aux parents comme au personnel éducateur ou au RSG d’énoncer des idées ou des commentaires, de poser des questions et de proposer des pistes de solution ». [6] Voilà donc ce qui distingue plus particulièrement cette communication.  Ainsi, chacun peut utiliser les « voies » qui lui conviennent, qui répondent le mieux à sa réalité, avec lesquelles il se sent le plus à l’aise, en confiance de communiquer et qui le serviront davantage selon son intention de communication.  Bien entendu, le choix des stratégies de communication sera basé de part et d’autre sur sa propre réalité et teinté par ses valeurs, ses expériences personnelles, ses références culturelles, sa langue, ses craintes, ses habiletés de communication, etc.

Selon Leboeuf, M., Bouchard, C., il faut également porter une attention particulière au contexte qui peut nuire ou favoriser les communications bidirectionnelles.  « L’aménagement du lieu et la disponibilité des éducatrices ou des parents peuvent favoriser ou nuire à la prise de parole par les protagonistes.  Par exemple, les échanges dans le cadre de porte en début ou fin de journée n’offrent pas toujours le contexte discret et confidentiel qui permettrait au parent de se sentir à l’aise pour aborder certains sujets délicats. » [7] En effet, les sujets abordés lors des discussions entre le personnel des SGEE et les familles sont multiples et de natures diverses.  Cependant, le bien-être de l’enfant et sa famille demeure la principale raison de communiquer.  Toujours selon Leboeuf, M., Bouchard, C., plusieurs sujets sont susceptibles d’être abordés dans les communications bidirectionnelles : « santé, alimentation, sommeil, propreté, sécurité ; tempérament, habitudes, comportements, développement, activités ou intérêts de l’enfant ; histoire de vie de l’enfant et de la famille ; structure et dynamique familiale ; valeurs, culture familiale et institutionnelle ; pratiques éducatives du milieu éducatif ou de la famille ; attentes du parent envers le milieu éducatif ; rêves, craintes ou préoccupations du parent en ce qui concerne sa famille et son enfant ; réseau de soutien de la famille. » [8]   Ces sujets sont abordés progressivement lors des échanges avec les familles tout en considérant le développement du lien de confiance qui s’établit graduellement rendant les parties de plus en plus à l’aise dans les communications.  Le modèle évolutif de la communication (Elliott, 2005) démontre les cinq niveaux que peuvent atteindre, au fil du temps, les échanges entre les parents et le personnel éducateur.  Leboeuf, M., et Bouchard, C. résument ainsi ces différents niveaux. « Le premier niveau permet d’assurer la santé et la sécurité de l’enfant dans le milieu éducatif et dans sa famille.  Au deuxième […].  Les parents commencent à parler de la personnalité de leur enfant. L’éducatrice […] transmet plus d’informations relatives à l’expérience individuelle de l’enfant dans le milieu éducatif.  Le troisième niveau consiste en un partage plus soutenu d’informations entre les acteurs, en lien avec les pratiques propres à chaque milieu de vie.  […]  Au quatrième niveau, les parents sont encouragés à poser des questions au sujet des expériences éducatives de leur enfant alors que l’éducatrice cherche activement à connaître et à mettre à profit les façons de voir des parents. [..] Enfin, le cinquième niveau permet d’atteindre une compréhension partagée des besoins de l’enfant et de sa famille ». [9]   Ces quelques indices permettent donc au personnel éducateur de situer leur niveau de communication avec les familles et d’établir le « prochain pas » à faire pour atteindre le niveau suivant.

En terminant, « des recherches montrent un lien entre la fréquence des échanges et des communications réciproques entre les parents et le SGEE et les bénéfices que les enfants et leur famille en retirent. » [10]   En effet, avec le temps, « le pont de communication » sera consolidé par la fréquence et la richesse des interactions positives.  N’oublions pas que le parent est rassuré et encouragé lorsqu’on lui donne la parole, lorsqu’ensemble on brosse le portrait de son enfant avec bienveillance appuyé par des exemples tirés de son vécu et de ses nombreuses expériences qui démontrent qu’il est considéré, respecté et qu’il progresse.  Il doit être en mesure de percevoir toute la considération que le milieu éducatif porte à l’égard de son implication et de sa participation aux divers échanges.  Ainsi, il est possible de croire que les échanges valoriseront le rôle du parent (comme étant l’expert de son enfant !) qui se sentira écouté, concerné et valoriseront le rôle du personnel éducateur (comme étant l’expert du développement de l’enfant !) qui éprouvera de la satisfaction à établir ce lien si précieux.  Les échanges faciliteront ainsi l’engagement de tous afin d’assurer une continuité entre les deux milieux éducatifs.  D’autre part, ces communications bidirectionnelles viendront bonifier l’intervention éducative du personnel éducateur qui possédera plus d’informations sur l’enfant et sa famille, il sera plus sensible à leurs réalités diverses et à leur unicité, puisqu’il aura pris le temps de percevoir les situations avec des « lunettes différentes » : celles de la famille.  Par conséquent, les expériences vécues par l’enfant seront plus significatives pour son développement.

En résumé, il est important de retenir qu’en tout temps, les parents doivent se sentir les bienvenus, peu importe la nature de la communication à établir.  Cette dernière prendra tout son sens à travers des interactions réciproques, fréquentes, empreintes de bienveillance et de considération pour l’enfant et sa famille.  Elles favoriseront ainsi l’émergence d’un partenariat et le maintien du lien avec les familles dans les projets communs.  Bonnes communications !!!

Sylvie Garceau, enseignante et formatrice à l’enfance, octobre 2020

[1] [2] [3] [4] [6] [10] Accueillir la petite enfance, programme éducatif pour les services de garde éducatifs à l’enfance, Les publications du Québec, 2019.

[5] CANTIN, Gilles, Carole MORACHE et autres, Trousse partenariat : des outils pour l’enseignement de la compétence à établir une relation de partenariat avec les parents en éducation à l’enfance, Montréal, Université du Québec, 2015.

[7] [8] [9] BOUCHARD, Caroline, Le développement global de l’enfant de 0 à 6 ans en contextes éducatifs, 2e édition, Presses de l’Université du Québec, 2019.