Léanne s’oppose dès son arrivée car elle a un gros ennui de son parent.

Léanne est âgé de 3 ans et demi, le personnel éducateur qui l’accueille est découragé et exaspéré.  Depuis, plusieurs mois, lorsque sa mère ou son père la dépose au milieu de garde, elle pleure et refuse de collaborer.  En cette période de COVID-19, les parents ne sont pas admis à l’intérieur.  Léanne, jour après jour, pleure de la voiture à la porte d’entrée.  Une fois à l’intérieur, elle se laisse choir sur le plancher, repliée sur elle-même pour échapper au regard des adultes et des enfants qui arrivent ou bien elle se réfugie sur le banc près de la porte.  Elle peut y rester près de 30 minutes.

Les interventions du personnel éducateur varient.  Certains l’ignorent, d’autres lui donnent un ultimatum et en cas de refus, la prennent et l’amènent à son casier au vestiaire.   Par la suite, elle doit aller laver ses mains, routine qui se transforme en une autre cible d’opposition.  Puis, elle se rend fâchée à son local et s’assoie en boudant à une table en disant qu’elle ne jouera pas.  Si on lui fait des propositions, elle refuse. Tout dépendant des jeux en cours, elle finit par se joindre à des camarades ou elle va d’elle-même se choisir du matériel qu’elle aime.  Par la suite, tout redevient dans l’ordre.  La journée se déroule sans grandes anicroches.

Les parents sont séparés depuis quelques mois et la garde choisie est l’alternance 2 jours chez le parent A, puis 2 jours chez le parent B et la fin de semaine chez le parent A et ainsi de suite.

Un comportement mais plusieurs émotions exprimées !

L’opposition exprime ici plusieurs émotions :

  • sa tristesse de devoir quitter son parent le matin;
  • son inquiétude car elle ne sait pas exactement quand elle le reverra;
  • sa colère de devoir rester au milieu de garde malgré sa peine;
  • sa colère et frustration car le personnel éducateur ne comprend pas sa tristesse et son inquiétude…c’est très long 2 dodos sans son parent.

Stratégies d’enseignement : prendre soin de sa peine, colère et inquiétude.

1-Accueillir l’émotion : étape charnière et indispensable.

Nouveau mot d’ordre pour tout le personnel éducateur, prendre le temps de nommer la peine de l’enfant et de le laisser se calmer avant de tenter de le diriger au vestiaire.  La priorité est de bien refléter ses émotions avec un ton sincèrement empathique.

« Tu voulais rester avec papa ce matin, tu ne voulais pas entrer dans la garderie? »

« Tu t’ennuie de papa, tu voulais rester avec lui »   « Tu as un très très gros ennui, tu n’as pas le goût d’aller jouer. »  Si elle nommait l’autre parent, on reformulait.

« Tu es fâchée parce que toi tu voulais retourner à la maison et tu dois rester à la garderie, tu n’es pas d’accord. »

« Tu trouves que c’est beaucoup de dodos avant de revoir ton parent? »

« Est-ce que tu voudrais téléphoner à ton parent ce soir pour lui dire que tu t’ennuies de lui? »  Ici, il est prioritaire de s’assurer que cela est une possibilité réelle afin de ne pas créer un faux espoir à l’enfant.

Une fiche avec des idées de formulation avait été déposée dans son casier afin d’inspirer le personnel éducateur.

2-Enseigner à prendre soin de sa peine, colère, inquiétude : introduction

À l’aide de glaçons remis à chaque enfant,  son éducatrice a réalisé une activité de groupe ayant pour sujet : « Comment prendre soin de sa peine, de sa colère, de son inquiétude, etc.  Les enfants étaient invités à les tenir le plus longtemps possible, puis lorsque c’était trop froid, les déposer.  L’éducatrice expliquait que les émotions de colère, inquiétude ou de tristesse étaient comme des glaçons dans leur cœur très inconfortables.

Par la suite, l’éducatrice questionnait les enfants et identifiait avec eux des situations vécues à la source de ces émotions pour eux.  Puis, les enfants étaient invités à nommer des solutions qui les aidaient à se sentir mieux, à « faire fondre leur peine, colère, inquiétude ».   Pour terminer, les enfants étaient invités à explorer la fonte de leur glaçon dans des bacs d’eau ayant différentes températures.

3-Création d’un outil de prévention et d’enseignement : des repères dans le temps.

Il était très difficile pour Léanne de se situer dans le temps étant donné son très jeune âge.  Toutefois, elle comprenait très bien la notion d’arrivée et de départ. Une fois que le personnel éducateur avait nommé le gros ennui de Léanne, on lui proposait de regarder avec elle une carte avec une grille où l’on retrouvait des photos de ses parents le matin et le soir pour 5 jours consécutifs, du lundi au vendredi.  Entre les deux photos, un pictogramme d’un enfant jouant à la garderie avait été inséré.

Ainsi, elle pouvait voir que le lundi sa mère la déposait à la garderie et son père venait la chercher.  Le mardi, son père la déposait et venait la chercher.  Le mercredi, son père la déposait et sa mère venait la chercher.  Le jeudi, sa mère la déposait et venait la chercher.  Puis le vendredi, sa mère la déposait et son père venait la chercher pour la fin de semaine.  Puis, on a créé une deuxième carte, pour la séquence suivante pour la 2e semaine.  Le personnel demandait à Léanne :

« Veux-tu que nous regardions sur le calendrier qui vient te chercher ce soir? »  Si elle refusait, le personnel n’imposait pas le calendrier.  Une fois calmée, elle demandait souvent de voir la carte.

Son éducatrice veillait à alterner les cartes à la fin de chaque semaine.

4-Partage de l’outil avec les parents

Une copie de la grille avec les photos a été remise à chacun des parents qui poursuivaient l’enseignement à la maison.  Cela a beaucoup sécurisée Léanne.

5-Mobilisation de l’enfant à prendre soin de ses émotions

Son éducatrice, à la fin de chaque semaine, préparait avec Léanne une boîte de différents jeux ou solutions pour l’aider à faire fondre ses émotions d’ennui et de colère.  Elle allait chercher de nouveaux jeux dans les locaux voisins ou dans le local de jouets de surplus.

Sur la boîte, des cartes de solutions présentaient des demandes pour se faire prendre, pour être seule, pour se faire peigner les cheveux (elle adorait), se faire lire une histoire, prendre sa couverture et son toutou, dessiner pour son parent, dicter un message à l’éducatrice à l’intention de son parent, etc.

6-Renforcement pour l’utilisation de stratégies pour faire fondre sa peine

Une petite carte à poinçonner avait été utilisée lui permettant de gagner des points pour réaliser un petit jeu de son choix avec son éducatrice ou un privilège X.

Elle gagnait des points :

1-Lorsqu’elle préparait sa boîte le vendredi;

2-Lorsqu’elle choisissait le matin un jeu qui lui plaisait et ce même si elle s’était opposée auparavant;

3-Lorsqu’elle choisissait une solution pour se consoler ou se faire consoler;

4-Lorsqu’elle acceptait de laver seule ses mains avant d’entrée dans son local;

5-Lorsque le temps écoulé sur le Time Timer indiquait que ce serait un bon moment pour aller se déshabiller au vestiaire.  Afin de réduire le temps passé sur le banc, un défi Time Timer a été instauré.   L’éducatrice ciblait un temps X, ex. 15 min et Léanne pour obtenir un jeton devait à la fin du 15 min se rendre calmement à son vestiaire.  Léanne remettait son jeton à son éducatrice dès son arrivée au sein du local. L’éducatrice poinçonnait alors sa carte de défis.